« Salut Lizbeth… … Je sais, ça fait longtemps que je ne suis pas venue. Trop longtemps même. », la grande blonde passa une main dans ses cheveux, gênée, ne sachant trop quoi dire face à cette pierre froide et morne collant parfaitement avec l’ambiance mortuaire du cimetière. Pas de fleur, pas de couronne, rien, tout était fané. Jazz saisit le pot de fleur attaqué par le temps et remplaça les noirs pétales par un magnifique bouquet de jonquilles qui égayait un peu la morosité du lieu. Elle mit ensuite ses mains dans sa veste noire, luttant contre le froid hivernal qui commençait à prendre place sur l’automne. Fixant la petite photo de sa sœur, elle sentit les larmes qui montaient doucement dans ses yeux bleus. La jeune femme lâcha un soupir et leva les yeux au ciel avant de continuer, à demi-voix :
« Trois années… Trois longues années que tu nous as quitté… Que je t’ai tué. Ho Lizbeth, je suis tellement désolé. ». Skylär s’assit sur la tombe de marbre gris de sa sœur et mit sa tête dans ses mains. Oui, elle l’avait tué.
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CINQ ANS PLUS TOT, OXFORD, ANGLETERRE :
« Jazz ! On part avec ton père, on a un rendez-vous d’affaire en Irlande. Chérie, prends soin de ta sœur on sera de retour après-demain ! » « Oui m’man ! » « Je vous ai mit une pizza à cuire dans le four ! Tu n’oublieras pas de couper le gaz ! » « Oui m’man ! », s’écria la jeune adulte qui était au téléphone avec une copine du lycée. Elle lâcha un soupir alors que sa mère recommandait certaines choses, soulignait des tâches à faire, mais elle s’en fichait. De toute manière, elle revenait après demain, alors elle n’allait pas se prendre la tête. Déjà qu’elle devait garder sa morveuse de sœur… Lizbeth, 12 ans. Autant dire que leurs cinq années d’écart donnaient une véritable frontière entre les deux jeunes filles. Aucun centre d’intérêt en commun, aucune discussion gentille, elles passaient leur temps à se disputer et faire enrager l’autre. Mais dans le fond, elles s’aimaient, il y avait une belle complicité entre elles quand il s’agissait d’obtenir quelque chose de leurs parents par exemple. Lorsque Jazz entendit la porte d’entrée se fermer, elle afficha un grand sourire et déclara à son amie au téléphone : [color:d9b4=# D8379D]« Ca y est, mes vieux sont partis. Demain soir, 19h. Tu te pointes, on prépare tout pour les invités. … … Liz’, on l’expédiera chez une de ses copines, elle sera contente, problème réglé ! Y’aura Maël aussi, tu as intérêt à faire un effort. », elle s’alluma une cigarette tout en écoutant son amie et tira dessus longuement. Elle ne fumait pas quand ses parents étaient là, elle savait qu’elle se ferait punir, engueuler et compagnie. Elle ouvrit sa fenêtre et laissa sortir la fumée de sa bouche avant de répondre :
« Ouaip, tu prendras la vodka, ta mère en a assez de planqué sous son pieu ! Allez, bisous, on se rappelle. ». Elle raccrocha le téléphone fixe et fuma tranquillement sa cigarette tout en regardant le ciel qui s’assombrissait doucement. Quelques étoiles commençaient à pointer le bout de leur nez, le froid commençait aussi à se faire une place dans la nuit anglaise. La demoiselle écrasa son mégot dans le cendrier au bord de sa fenêtre puis elle ferma les vitres avant de dévaler les escaliers :
« Liz ! Viens manger la pizza est cuite ! LIZBEEETH !». La petite blonde descendit les escaliers à toute vitesse et s’installa à table alors que sa soeur coupait la pizza surgelée en parts égales.
« Haaan trois fromages, ça craiiint… » « Je sais, mais c’est maman qui l’a faite chauffée. Elle a du oublier de faire des courses avant de partir. ». Jazz esquissa un petit sourire et servit sa sœur. Elles commencèrent à manger, en silence avec comme simple bruit dans la grande maison la télévision qui rediffusait un vieil épisode d’Indiana Jones. Et puis la jeune sœur regarda la plus grande et lâcha, à demi-voix avec un air gêné :
« Sky’ n’oublie pas de prendre ton traitement… ». La grande blonde la fusilla du regard et l’ignora totalement, ne répondant même pas. Son traitement ? Oui, pour l’épilepsie. Sujette aux crises depuis qu’elle avait huit ans, elle supportait très mal sa maladie qui se traduisait par des absences plus ou moins conséquentes. Ce n’était pas des convulsions et contractions musculaires, juste un bug du cerveau qui pouvait durer plusieurs dizaines de secondes. Mais depuis quelques mois, ça s’empirait. Alors on lui avait donné un traitement assez fort, assez lourd à supporter par la demoiselle qui acceptait déjà très mal d’être épileptique. Son traitement, elle n’y croyait pas. Elle ne le suivait pas si on ne lui mettait pas les cachets sur la table.
« J’le prendrais après le dessert, t’inquiète. », répondit-elle avec un sourire un peu forcé avant de reposer son regard sur la télé. Sauf qu’elle ne prit pas son traitement. Ce soir là, elle coucha sa petite sœur devant un dessin animé, puis elle alla dans le salon pour regarder un DVD. Elle sortit une cigarette, l’alluma, et regarda son film les pieds sur la table. Et le trou noir. Elle se réveilla deux jours plus tard, entendant la voix de Maël, son petit ami du moment qui était assit à côté d’elle. La jeune fille de dix-sept ans était dans un lit d’hôpital. Elle avait mal partout, elle se sentait nauséeuse, quelque chose dans la gorge qui l’étouffait. Elle commença à paniquer, et elle sentit la main de son petit ami glisser sur sa joue :
« Doucement Sky. Shht… Tu es à l’hôpital, tu as fais une crise… Attends, j’appelle un infirmier pour t’enlever le tube. ». Elle était complètement perdue et paniquée. Ca faisait combien de temps qu’elle était là ? Pourquoi avait-elle des bandages sur le bras droit ? Un infirmier arriva aussitôt et lui enleva le tube respiratoire. Elle toussa légèrement, avala difficilement le peu de salive qu’elle avait en bouche et demanda d’une voix cassée :
« Pourqu… oi je suis là… ? ». Maël la regarda quelques secondes, silencieux, et déposa un baiser sur son front. Elle sentait que quelque chose n’allait pas. Elle le fixait de ses yeux bleus-verts et il finit par lâcher un court soupir, embarrassé, attristé aussi et finit par dire, à demi-voix :
« Tu as fait une crise dans ton salon… Tu avais une cigarette à la main, allumée et elle est tombée sur le tapis… Jazz, je suis désolé… Tes voisins sont venus, ils t’ont sortis des flammes mais ils ne savaient pas que Liz’ était là… Je suis désolé ma puce… ». Elle écarquilla les yeux qui s’embuaient de larmes, et redressa furtivement. Tout tournait autour d’elle, mais elle arracha ses perfusions sans hésiter. Maël se leva et la retint pour ne pas qu’elle se lève et celle-ci fondit en larmes dans ses bras. Cette nuit là, elle avait tué sa sœur par son insouciance…
« Maman ne m’a jamais pardonné. Même si elle me dit le contraire, je voyais bien à la manière de me regarder qu’elle m’en voulait. Le jour de ton enterrement, elle a dit qu’elle avait perdu deux filles ce jour là… J’ai alors compris que je devais sortir de sa vie. Elle ne m’a jamais pardonné de fumer dans son dos, de ne pas avoir pris mon traitement ce soir là. Et pourtant, tu me l’avais dit… Je m’en veux, tu n’imagines pas à quel point. J’ai assisté à ton enterrement, et j’ai dit merde à la vie… J’ai quitté Maël, et j’ai commencé une vie de décadence. »❧ TROIS ANS PLUS TOT, CORK, IRLANDE :Marchant dans la ville, alors que la nuit était déjà bien avancée, la jeune femme regardait son téléphone pour lire l’heure. Minuit était passé, elle était un peu en retard. Pressant alors le pas, ses talons claquaient sur le béton du trottoir irlandais. L’humidité de la pluie de la veille se faisait encore ressentir, mais malgré sa petite robe, Skylär n’avait pas froid. La jeune femme avait quitté Oxford voilà deux ans. Elle était en seconde année de droit, elle se démerdait comme elle pouvait pour vivre. Ses parents l’avaient renié depuis la mort de sa sœur, alors elle vivait comme elle pouvait. Elle arriva dans une ruelle de Cork et un homme l’attendait, avec une cigarette à la bouche. Elle s’approcha de lui avec un grand sourire, lui prit la cigarette de la bouche et tira dessus longuement tout en le regardant :
« T’es en retard… » « J’t’emmerde, j’avais un cours qui s’est fini tard. », il reprit sa cigarette qu’il remit à la bouche et sortit un petit sachet de poudre blanche :
« Arrête de faire celle qui a un avenir, tu veux ? », il la regarda avec un sourire en coin, moqueur, et la blondinette prit le sachet d’un geste vif en le mettant dans sa poche avant de rétorquer :
« Dis celui qui baise pour du fric. », elle frôla ses lèvres contre les siennes, gardant son regard dans le vert de ses yeux puis il répondit : color=#7C93C8]« Dis celle qui baise pour de la dope… »[/color]
« Je t’emmerde… », et il l’embrassa avec passion, tout en passant sa main sous sa robe bien trop courte à son goût. Voilà à quoi elle en était réduite. Coucher avec son dealer qui était son ami avant tout, son amant aussi. La jeune femme était devenue le stéréotype des filles de riches qui n’arrivent pas à s’en sortir, mais elle assumait. Skylär-Jazz n’avait honte de rien, et elle s’affirmait comme libertine en cherche de la conquête de son rêve : devenir avocate pour les affaires familiales. Le lendemain, se réveillant dans les draps blancs de Ruben, elle avait conscience que tout était étrange, ambigu. Lui était à la fenêtre, fumant une cigarette. Elle se leva, avec le drap enroulé autour d’elle et s’assis sur le sofa qui se trouvait sous la fenêtre. Il posa son regard sur elle avec un petit sourire et passa une main dans les long cheveux blonds de la demoiselle :
« Tu veux un petit déjeuner ? » « Juste un fruit, mon estomac supporte rien d’autre le matin » « Tu recommences à te faire vomir ? », demanda-t-il en posant son regard sur elle. Elle le regardait, avec son air espiègle et je m’enfoutiste à la fois qui l’agaçait tant. Il lâcha un soupir et écrasa sa cigarette avant de s’assoir à côté d’elle :
« Tu devrais revenir vivre à la maison, tu fais n’importe quoi quand tu es seule… » « Arrête de te prendre pour ma mère, je peux me débrouiller toute seule ok ? Je n’ai pas besoin de toi, tu n’es qu’un pion dans mon échiquier, je fais ce que je veux de toi, Ruben… Tout ce que je veux parce que je te domine… »Elle passa une jambe de chaque côté du jeune homme, frôlant sensuellement ses lèvres. Il posa ses mains sur ses hanches tout en la fixant puis la souleva pour la reposer sur le sofa :
« Prends ton avenir en main avant que tu foutes tout en l’air. » « Vas te faire foutre Ruben. ». Elle se leva, prit sa robe et ses sous-vêtements puis s’enferma dans la salle de bain. Il lâcha un soupir avant de s’habiller à son tour. Elle était anorexique, elle se droguait, elle galérait pour assumer études et travail, mais elle ne supportait pas en parler. Qu’on lui fasse remarquer, qu’on propose de l’aider. Elle prenait tout à la légère…
(dialogue cimetière)
❧ QUELQUES MOIS PLUS TOT, OXFORD, ANGLETERRE :U.C